Qu’est-ce que le PACE trial et pourquoi vous devriez vous y intéresser
« Le comble de l’amateurisme en matière d’essai clinique. » – Dr Bruce Levin, Columbia University
« Des lacunes méthodologiques » – Dr. Leonard Jason, DePaul University
« Les problèmes que cette étude soulève sont extrêmement préoccupants » – Dr Jonathan Edwards, de l’University College de Londres
Et pourtant, l’étude à laquelle se réfèrent ces chercheurs émérites a été publiée dans des revues comme le Lancet ou Psychological Medicine…. Il s’agit du PACE trial.
Le PACE trial
L’objectif de cet ambitieux et coûteux (5 millions de livres) essai randomisé britannique, mené de 2005 à 2008, était d’évaluer l’efficacité des TCC (thérapies cognitivo-comportementales) et de l’exercice graduel dans le traitement du Syndrome de fatigue chronique (SFC).
Cette étude a été menée par un groupe de psychiatres et psychologues qui considèrent le SFC comme un syndrome somatique fonctionnel, c’est-à-dire une pathologie psychiatrique, dans laquelle il n’y a pas d’altération organique. La théorie qui sous-tend cet essai est que les « réponses cognitives (peur de s’engager dans l’activité) et les réponses comportementales (évitement de l’activité) [des patients] sont liées et interagissent avec des processus physiologiques pour perpétuer la fatigue. L’objectif du traitement était de changer les facteurs cognitifs et comportementaux considérés comme responsables de la perpétuation des symptômes et du handicap des participants ». L’essai montre que les TCC et l’exercice graduel sont « modérément efficaces ».
Ces résultats ont été très critiqués par les associations de patients dans les pays anglo-saxons. Ces dernières ont relevé de nombreux problèmes méthodologiques, ainsi qu’une tendance à surévaluer systématiquement les résultats, pourtant très modestes, auprès des médias et dans la presse spécialisée. Ces objections ont été invariablement balayées par les auteurs du PACE trial comme émanant d’une minorité très bruyante de patients dans le déni qui refusent d’admettre qu’ils souffrent d’un trouble psychologique… et sans apporter aucune réponse concrète à leurs questions. Ils ont également toujours refusé de prendre en compte les retours de nombreux patients se plaignant que non seulement l’exercice graduel est inefficace, mais bien pire, qu’il est contre-productif et est responsable d’une aggravation considérable de leur invalidité.
De nouvelles critiques
Cependant très récemment deux nouvelles voix sont venues s’ajouter au chœur des critiques. David Tuller (coordinateur des programmes de masters en journalisme de santé publique, University of California, Berkeley) et l’éminent Pr. James Coyne (Professeur de psychologie de la santé University Medical Center, Groningen, Pays-Bas) viennent tous deux de publier en ligne des analyses très poussées du PACE trial qui mettent en pièce sa méthodologie. David Tuller critique, entre autres, le chevauchement des critères d’entrée et de rétablissement de l’essai ainsi que l’assouplissement considérable des critères de « guérison » du protocole initial après le commencement de l’essai. En effet, pour pouvoir participer à l’essai, les patients sélectionnés devaient présenter une invalidité substantielle, mesurée grâce à un score de moins de 65 à l’échelle « short form-36 physical function subscale » (une personne en bonne santé a un résultat allant de 95 à 100). Cependant, en 2013, dans leur article sur le taux de « guérison » dans le PACE trial, les auteurs de l’étude estiment qu’un score de 60 sur cette même échelle permet d’être classé dans la catégorie « fonctionnement normal » ! Donc, un même score peut avoir une signification différente au début (invalidité) et à la fin de l’étude (guérison), et ces nouveaux critères permettent en outre de considérer comme « rétabli » un patient ayant les capacités physiques d’une personne souffrant d’insuffisance cardiaque congestive. Mais malgré ces tentatives pour « booster » les résultats de l’étude, les thérapies évaluées, selon les mots même de leurs auteurs, ont un effet très modéré.
Le Pr. James Coyne, quant à lui, analyse spécifiquement l’étude de suivi qui vient juste d’être publiée. Il estime que « les données présentées sont ininterprétables. » « Nous pouvons cependant retenir notre jugement critique et oublier temporairement les règles de base qui président à la construction d’un essai randomisé, des études de suivi et de l’analyse des données. Cependant, même en s’y astreignant, nous devrions alors rejeter certaines des conclusions fournies par les investigateurs du PACE trial à cause de leur lecture biaisée de ce qui est déjà une interprétation déformée des résultats. » Au-delà de l’étude des données, Coyne est également très sévère sur les manquements aux protocoles de base qui régissent les essais thérapeutiques : « Je mets au défi les défenseurs du PACE trial de citer des précédents de manipulation des participants de cet ordre. Qu’auraient-ils pensé si une compagnie pharmaceutique s’était conduite ainsi pour l’évaluation d’un médicament ? »
Une situation qui commence malgré tout à évoluer
La publication du dernier Opus tiré du PACE trial a eu lieu alors que la situation internationale de l’EM/SFC est en train de prendre un tour nouveau. L’année 2015 a en effet été riche en publications et événements qui permettent d’espérer une amélioration des traitements dans un futur « relativement » proche. Cela marque un vrai tournant dans la reconnaissance des causes biologiques de la maladie.
- sortie de l’imposant rapport de l’Institute Of Medicine des USA (IOM), qui affirme que l’ « EM/SFC (Encéphalomyélite myalgique / Syndrome de fatigue chronique) est une maladie sérieuse, chronique, complexe, systémique qui peut affecter profondément la vie des patients » ;
- nombreuses publications scientifiques dont la très attendue étude sur l’efficacité du Rituximab dans l’EM/SFC ;
- annonce toute récente par le National Institute of Health américain (NIH) d’un programme visant à améliorer la recherche médicale. Le directeur de cette institution a affirmé à cette occasion : « Cet effort a pour but de tirer tous les avantages de la NIH Clinical Center, le plus grand hôpital au monde, pour essayer de poursuivre toute les analyses imaginables sur le système immunitaire, neurologique, le métabolisme… Tout ce que vous souhaiteriez apprendre pour essayer de comprendre ce qui provoque ce trouble mystérieux et intrigant. Etant donné la sévérité de cette maladie, je ne pense pas que nous nous y soyons assez intéressés ».
Pourquoi est-il important de protester contre le PACE trial ?
Parce que malgré la multiplication des projets de recherche médicale, son influence est toujours considérable dans le monde entier. Les TCC et l’exercice graduel sont les seuls « traitements » proposés à la majorité des malades. Or l’IOM (Institute Of Medicine) a suggéré de renommer l’EM/SFC « maladie d’intolérance systémique à l’effort » (SEID Systemic Exertion Intolerance Disease) car une activité même légère amplifie tous les symptômes des patients et peut les laisser sur le carreau pendant des jours. Ce « malaise post exercice » (qui peut être objectivé par un test cardi-pulmonaire réalisé sur deux jours) est une amplification considérable des symptômes des patients après un effort parfois minime et l’IOM estime qu’il doit être un critère central pour le diagnostic de la maladie. Enfin, les résultats du PACE trial ont étayé l’idée que le SFC est un trouble psychiatrique et cette conviction est un frein considérable à la recherche médicale depuis des années.
Alors signez !
On ne peut se satisfaire d’une étude qui qualifie de « retour à la normale » une situation où les patients subissent une invalidité équivalente à celles de personnes souffrant de graves problèmes cardiaques. On ne peut tolérer qu’une étude à la méthodologie plus que laxiste serve de référence pour le traitement des patients atteints de l’EM/SFC. Nous méritons bien mieux que cela !
Nous sommes plusieurs millions dans le monde à ne pas recevoir de traitement digne de ce nom. Notre nombre est notre force.
Signez, expliquez, diffusez la pétition
PS/ Cette critique du PACE trial ne remet absolument pas en cause le rôle qu’un suivi psychologique peut avoir auprès des patients. Nombre d’entre eux font face à une situation extrêmement difficile, sont confrontés à des pertes douloureuses qui impactent tous les aspects de leur vie (familiale et professionnelle). Un soutien psychologique peut être essentiel pour apprendre à vivre cette nouvelle situation.